Le filtrage du miel : particularités et implications légales

COMMENT LE FILTRAGE DU MIEL EST-IL RÉALISÉ ?

Le filtrage du miel est l’une des opérations souvent réalisées lors du conditionnement de ce dernier pour le marché, en vrac ou en pot. Son objectif est d’éliminer les particules solides insolubles (fragments de cire, restes d’abeilles ou résidus végétaux…) qui ont pu s’incorporer lors du processus d’extraction et qui doivent être limitées, légalement, à 0,1 % du poids total, afin d’offrir une présentation plus attrayante pour le consommateur.

Cela peut être remplacé, à la réception des fûts, par une décantation pendant une période adéquate, entre quelques jours et quelques semaines. Dans ce processus, les impuretés remontent et peuvent être éliminées de la couche supérieure. Cela s’appelle le « décapage » des fûts. Le temps de décapage et son efficacité dépendent de :

• la densité du miel, en relation avec son humidité (les miels denses décantent moins bien) et de sa température (plus la température est élevée, plus la densité diminue),
• le diamètre des particules (les grosses remontent rapidement à la surface, les petites prennent plus de temps),
• la hauteur du récipient.

Photos : Décapage et élimination de la mousse des fûts de miel avec un chiffon en coton humide après la phase de décantation.

COMMENT LE MIEL EST-IL FILTRÉ À L’ÉCHELLE INDUSTRIELLE ? 

Pour accélérer et garantir l’efficacité de cette opération de nettoyage, les apiculteurs ou conditionneurs, après avoir décanté les fûts à température ambiante pendant un certain temps et les avoir décapés, filtrent généralement le miel lorsqu’il est à environ 40°C, fluide pour le pompage et le conditionnement, avec des filtres pour miel de 0,5 à 0,2 mm. Les grandes industries qui pasteurisent filtrent souvent leurs miels au milieu du processus de pasteurisation, qui se fait généralement à environ 78°C pendant 2 minutes, lorsque le miel est le plus fluide, avec des filtres d’environ 0,2 mm. Ce diamètre permet d’éliminer les impuretés tout en respectant intégralement le contenu en pollen naturel des miels, permettant d’identifier les plantes qui l’ont produit et donc l’origine géographique des miels. Aucune plante apicole de notre flore ne possède des grains de pollen d’un diamètre supérieur à 0,2 mm.

Différentes stations de filtrage de miel

DIFFÉRENCES DANS LES MIELS SELON LE TAMISAGE DE LEUR FILTRAGE ET NORMES

Si le filtrage est plus fin que 0,2 mm et qu’une partie de son pollen est éliminée, la Directive actuelle sur le miel, 2001/110/EC, admet sa commercialisation, à condition qu’il soit mentionné dans la documentation (factures, étiquettes, offres…) sous le nom de « miel filtré ».

Photo : Vue au microscope du contenu en pollen d’un miel. Cela indique l’origine botanique du miel.

Récemment, de nouvelles technologies ont fait leur apparition sur le marché, permettant des filtrages beaucoup plus fins, ouvrant ainsi la porte à une fraude : si pratiquement tous les pollens d’un miel sont éliminés, son origine, par exemple chinoise, peut être masquée et il pourra être mélangé, dans certaines proportions, avec d’autres miels de l’UE, et être étiqueté comme ayant une origine géographique UE, induisant ainsi en erreur le consommateur. C’est une fraude. 

Face à cette situation réelle du marché, pour éviter cette fraude (parmi d’autres nouvelles fraudes), la nouvelle modification de la norme du miel, Directive 2014/63/UE, encourage à consulter les experts pour définir le contenu minimum de pollen dans le miel filtré. La transcription de cette directive dans la réglementation au niveau national n’est pas forcément appliquée partout en Europe par contre.

LA PROPOSITION ALLEMANDE DE DÉNOMINATION DU MIEL SELON SON FILTRAGE

Un des experts allemands du miel, Elflein, d’Intertek, l’un des deux laboratoires de référence ayant le plus d’impact sur le marché du miel européen, a proposé d’appeler légalement :

• « Miel brut » : celui qui n’est pas chauffé, ni tamisé/filtré, nettoyé seulement par décantation
• « Miel passé au tamis » ou « miel tamisé » : celui filtré à 0,2 mm, avec 100 % de son pollen, sans impuretés solides
• « Miel filtré » : celui filtré sous haute pression, avec des pores de 0,001 à 0,02 mm, avec ou sans terre de diatomées, ne contenant qu’une partie du pollen original (avec les filtres à faible passage, très très peu, pratiquement aucun)
• Produit non appelé comme miel, issu de miel ultra-filtré avec des membranes de pores inférieurs à 0,001 mm, ne contenant ni pollen, ni cellules de levures, ni micro-organismes, ni certaines molécules grosses (résidus, HMF…). Ce produit ne pourrait pas être étiqueté comme « miel ».

Pour comparer le résultat de l’application de cette proposition aux miels, il existe des référentiels de pollens par origine géographique. Il existe donc des registres de plantes et des pollens identifiés, qui apparaissent plus fréquemment dans certains miels.

QUELLE PROPOSITION DE DÉNOMINATION DU MIEL SELON SON FILTRAGE ?

Notre proposition est de conserver le nom légal de « miel » pour le produit filtré à 0,150 à 0,200 mm,. Par exemple, en Espagne, la totalité des grains de pollen de la flore espagnole se situent en dessous de 0,120 mm.

Si un filtrage à 0,060 mm était réalisé, le pollen de certaines plantes identifiables dans nos miels serait éliminé, notamment celui du ciste (Cistus ladaniferus) et celui de l’arbousier (Arbutus unedo).

Accepter comme « miel », même avec l’adjectif « filtré », le produit résultant d’un filtrage à 0,020 mm, comme le propose Intertek, entraînerait une perte d’informations cruciales sur l’origine botanique et géographique de ce produit final. Cela permettrait de maintenir la fraude actuelle, d’ampleur inconnue, des importations de miel chinois contenant très peu de pollen, qui est mélangé à d’autres miels d’origine UE et commercialisé comme étant entièrement de l’UE.

À titre d’exemple de cette situation, seulement 26 des plantes les plus fréquentes dans nos miels, sur un total de 73 recensées, pourraient passer à travers ce tamis de 0,020 mm, et ce seraient les plus omniprésentes, existant partout.

(Pourcentage des 73 principales plantes dont le pollen resterait dans le miel après un filtrage à : 0,120 mm : 100% 0,060 mm : 85% 0,020 mm : 36 %.)

• en raison de la variation intraspécifique, certains grains de maïs, Zea mays, et de malvacées, Malvaceae, coton et mauves, pourraient être retenus.

Si nous ne défendons pas nos particularismes dans la législation du miel, nous devrons ensuite accepter les définitions qui nous seront imposées par ceux qui, soit ne s’y connaissent pas, soit n’ont aucun intérêt à ce qu’elles soient prises en compte au niveau européen.