Introduction
Aujourd’hui, l’apiculture représente une source de revenus et de création d’emplois avec potentiel dans les zones rurales les plus touchées par la dépopulation.
Cela dit, la contribution la plus importante de l’apiculture à la société n’est pas seulement d’ordre culturel ou économique, mais aussi environnemental. Les abeilles sont responsables de la pollinisation d’un pourcentage élevé des plantes sur la planète, y compris des cultures destinées à l’alimentation humaine, augmentant ainsi de manière significative leur production. En somme, leur contribution à l’agriculture et à la biodiversité en général est d’une valeur inestimable.
Face à l’essor de l’apiculture ces dernières années, on se demande : pourquoi ne nous préoccupons-nous pas davantage de ceux qui maintiennent en vie les abeilles, c’est-à-dire les apiculteurs ?
Pour cela, nous allons analyser la viabilité économique de différentes exploitations apicoles et partager nos impressions afin de transmettre une idée de ce que signifie s’embarquer dans le monde passionnant des abeilles, d’un point de vue économique.
Est-il rentable d’être apiculteur ?
La durabilité en apiculture, du moins d’un point de vue professionnel, repose sur sa rentabilité économique, c’est-à-dire en obtenir toujours des résultats économiques positifs. La rentabilité est étroitement liée à la continuité de l’élevage.
À ce stade de l’analyse, nous allons identifier les éléments qui déterminent la rentabilité de l’activité apicole, tant en termes de revenus que de coûts.
Revenus
Du côté des revenus, une exploitation apicole tire ses gains principalement de la vente des différents produits des ruches, tels que le miel, le pollen, la cire, les essaims, ou même des services comme la pollinisation.
Malheureusement, on ne peut demander à nos ruches de nous fournir tout cela en même temps, car on fait face aujourd’hui à divers facteurs contraignants.
Il existe des facteurs purement biologiques : si l’on prélève trois essaims sur une ruche, on ne peut pas en plus lui demander des tonnes de pollen et une énorme récolte de miel. De même, la météo de l’année est cruciale, il suffit de jeter un coup d’œil aux dernières saisons pour s’en rendre compte.
Cela nous amène à une réflexion, à savoir :
Il faut adapter son exploitation pour orienter sa production vers ce qui peut être le plus rentable chaque saison. Que ce soit de choisir où transhumer ou envisager des changements plus profonds.
Prenons un exemple : si je sais qu’il y a eu une forte mortalité des abeilles et que la saison suivante, je manquerai d’essaims, peut-être devrais-je me consacrer à la production et à la vente d’essaims. Ce n’est qu’une hypothèse, mais il faut aller au-delà de la production de miel en gros, pour diversifier les risques. Et comme toujours, tout passe par la formation et la préparation.
Par ailleurs, il est essentiel de savoir commercialiser ce que l’on produit, ce qui se traduit par le pouvoir de négociation de l’apiculteur dans la chaîne de valeur.
Le miel
La principale source de revenus en apiculture reste le miel. Pour le petit apiculteur, le moyen de maximiser les revenus est clair : éviter les intermédiaires dans la chaîne de production et atteindre le consommateur final, afin que le rendement maximal soit obtenu par la vente directe au consommateur. Bien entendu, il faut respecter les normes sanitaires requises pour la commercialisation et tenir compte des implications de se lancer dans la « vente », car cela demande beaucoup d’efforts et de temps en termes de service à la clientèle, de paiements, de marchés, de dépenses en emballages et en étiquettes, etc.
Le problème survient lorsque les productions sont plus importantes. La vente directe devient alors plus compliquée et le miel doit être écoulé via des coopératives ou d’autres revendeurs ou conditionneurs.
Dans ce cas, il est très important de se tenir informé du prix du miel sur le marché en gros/vrac, ou déjà conditionné.
Le pollen
Le pollen est une autre grande source de revenus pour l’apiculteur.
Jusqu’en 2019, par exemple en Espagne, grand producteur de pollen en Europe, le pollen avait connu une évolution à la hausse de ses prix, favorisée par une augmentation des exportations (notamment vers la Corée du Sud), qui a été brutalement freinée lors de la campagne actuelle, entraînant une baisse substantielle des prix. A cette époque, il était vendu entre 4 et 5 €/kg en gros. Il avait perdu 50% de son prix par rapport à 2018, à des prix proches, voire en dessous des coûts de production.
Autres sources de revenus possibles
En plus du miel et du pollen, d’autres sources de revenus sont envisageables, bien que moins impact ante, avec les autres produits de la ruche, comme :
- La pollinisation (grande source de revenus dans d’autres pays)
- La propolis
- La cire
- La gelée royale
- La vente d’essaims
Subventions apicoles
Il est évident qu’une exploitation située dans l’Union européenne dispose d’avantages différents d’une exploitation en Amérique du Sud ou en Chine, par exemple.
Dans ce sens, une exploitation de l’UE reçoit une série de subventions des administrations publiques compétentes, ce qui différencie la situation de nos apiculteurs de celle des producteurs d’autres régions du monde.
Remarque : ces subventions sont gérées aussi de manière régionale, il est donc recommandé de consulter le bureau agricole régional le plus proche pour connaître la nature d’autres subventions en local, éventuelles.
Exemples hypothétiques de revenus
Compte tenu de la diversité de la flore et des différentes méthodes de production existantes, il est difficile de présenter des chiffres qui correspondent à toutes les exploitations apicoles.
C’est pourquoi, nous tenons à souligner que ce ne sont que des données indicatives (non réelles), basées sur deux types d’exploitations de 500 ruches ; l’une uniquement axée sur la vente de miel, et l’autre sur la vente de miel et de pollen. Toutes deux en gros.
Étude économique d’une exploitation apicole professionnelle de 500 ruches (vente de miel en gros)
Miel monofloral, 500 ruches x 10kg 4,35€/Kg 21750 €
Miel polyfloral, 500 ruches x 10kg 3,20€ /KG 16000 €
100 essaims artificiels 500 ruches x 20%. 77€/essaim 7700 €
Cire d’abeille 500 ruches x 0,700kg 1,20€/kg 420 €
Cire d’opercule 500 x 0,8kg. 8,50€/kg 3400 €
Aides (commercialisation, pollinisation, biodiversité) 17,60/ruche 8800 €
Total revenus : 58 070 €
Étude économique d’une exploitation apicole professionnelle de 500 ruches (vente de miel et de pollen en gros)
Miel de forêt, 500 ruches x 6kg 4,35€/Kg 21750 €
Miel polyfloral, 500 ruches x 4kg 3,20€ /KG 16000 €
Pollen, 500 ruches * 5,5Kg
100 essaims artificiels 500 ruches x 10%. 77€/essaim
Cire d’abeille 500 ruches x 0,700kg 1,20€/kg 420 €
Cire d’opercule 500 x 0,8kg. 8,50€/kg 3400 €
Aides (commercialisation, pollinisation, biodiversité) 17,60/ruche 8800 €
Total revenus : 65 895 €
Source : Ministère espagnol de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation. Plan National Apicole 2020-2022
Les coûts
La rentabilité dépend également en grande partie de l’emplacement de l’exploitation, en fonction des conditions géographiques et climatiques, de l’accès aux ruches, de la proximité des points de vente, de la nécessité de déplacer les ruches plus ou moins loin à la recherche de floraisons, etc.
Ces facteurs conditionnent clairement la compétitivité, car les coûts varient considérablement entre une situation avantageuse et une situation défavorable.
Apiculture transhumante
C’est une pratique qui permet de générer des revenus tout en augmentant les coûts.
Poursuivons notre étude de rentabilité en examinant maintenant les coûts. Ils sont classés en deux catégories : fixes et variables.
Coûts Fixes et Variables
Les coûts fixes sont ceux qui restent constants et sont indépendants du niveau de production, comme l‘assurance ou le loyer d’un local, tandis que les variables fluctuent en fonction du volume de production.
Ces coûts sont déterminés par la quantité et le prix d’achat des produits (techniquement appelés intrants) et des services nécessaires à l’activité. Parmi les intrants les plus fréquents, on trouve la cire, la nourriture, les traitements, le carburant, l’électricité, le chauffage, l’achat de contenants pour la vente et le renouvellement du matériel vivant.
Les coûts peuvent également se présenter sous forme de services. Parmi les services dont une exploitation apicole a besoin, on inclut l’embauche de main-d’œuvre, les frais de transport, les services comptables et fiscaux, les intérêts sur les prêts bancaires, les assurances, la location de matériel, etc.
Amortissement
Un autre terme à prendre en compte est l’amortissement. Nous savons que les outils ne conservent pas leur valeur de façon permanente, et de la même manière que notre voiture perd de la valeur chaque année, il en va de même pour un extracteur ou un camion.
Cette perte de valeur, ou taux d’amortissement, est prévue pour chacun des outils. Vous êtes sûrement familiers avec un terme connexe, l’amortissement comptable, qui comptabilise comme un coût la perte de valeur annuelle d’un élément de l’exploitation due à l’usure ou au passage du temps.
Ce coût vise à réinvestir une partie des bénéfices dans l’exploitation pour renouveler le matériel. Il est important de comprendre que si, par exemple, nous devons remplacer l’extracteur et que nous n’avons pas les fonds nécessaires, nous devrons les chercher ailleurs.
Exemple hypothétique de coûts
Dépenses selon une étude économique d’une exploitation apicole professionnelle de 500 ruches (source ministère de l’agriculture espagnol) :
Coûts fixes annuels 34 357,61€
Coûts variables annuels 2,45€ / traitement soit 11 775€
Dépenses selon une étude économique de trois exploitations différentes en détail :
Exploitation 100 ruches | Exploitation de 500 ruches | Exploitation de 1000 ruches | |
Coûts | |||
Cire EssaimsIntrants (traitements, sucre)Mains d’œuvre 50€/jCombustibleTransportEnergie (eau, élect, essence)ÉquipementAssuranceIntérêts bancairesAmortissement sur l’exercice | 200 1000 100200100150-4427 | 600 5000750300500300300-9915 | 1200 100002000100020005001000-22965 |
Total | 6277 | 17765 | 41165 |
Source : Université de Cordoue
L’investissement
Il ne faut pas oublier que ces revenus et dépenses correspondent à une exploitation déjà établie. Il faut garder à l’esprit que si on démarre de zéro, créer une exploitation nécessite un investissement initial en matériel apicole, en véhicules, infrastructures et autres biens nécessaires.
Tout cela, ainsi que le « stock » de la production, fera partie de notre « Actif ». Autrement dit, la valeur de l’actif est composée de la somme de la valeur de tous les biens et droits détenus par l’exploitation, allant des ruches elles-mêmes et de l’extracteur de miel jusqu’au crayon avec lequel on écrit, ou une facture qui nous est due.
C’est ici que l’on doit prendre en compte les concepts d’amortissement et de dépréciation mentionnés précédemment. À titre d’exemple, on présente ci-dessous un actif hypothétique dans différentes tailles d’exploitations apicoles :
Étude de rentabilité de trois types d’exploitations. Source : Université de Cordoue.
Type d’exploitation | 100 ruches | 500 ruches | 1000 ruches |
Constructions (amortissements 5%) | 20000 | 40000 | 70000 |
Machines (amortis. 7%)DésoperculeuseExtracteurLigne d’extraction | -2000 | 40004000 | 6000 |
Installations techniques (amort. 10%) :RuchesRuchettesNucléiBac à désoperculerMaturateursFiltres à mielConsommables (cadres, etc.)Equipement de protection (gants, etc.) | 50001500300030060010070100 | 25000750015000 1000200100150 | 500001500030000 2000400150300 |
Équipement de transport (amort. 15%)FourgonetteCamionRemorque | 11400 1000 | 12000 2000 | 12000280003000 |
Équipement informatique (amort. 30%)Ordinateur, imprimante, fax | 1200 | 1200 | 1200 |
Stock de matières premières :MielPollenCirePots en verre | 20050 | 800200 | 1200300 |
Débiteurs (dettes envers l’entreprise) | |||
Trésorerie | |||
TOTAL (B) | 46620 | 113650 | 256350 |
Rentabilité et Rendement
Tout ce que vous avez lu jusqu’à présent est utile pour comprendre les bases économiques de l’exploitation apicole, mais cet article vise à aller encore plus loin. A vous encourager à créer votre propre compte d’exploitation.
Ainsi, en tenant compte des coûts et revenus précédemment analysés dans différentes exploitations type, nous allons étudier leur rentabilité et leur rendement.
Note : Le rendement net est calculé sur la différence entre les revenus et les dépenses.
Rentabilité et rendement selon une étude économique d’une exploitation apicole professionnelle de 500 ruches (miel)
Revenus 58070 €
Coûts fixes 33075,94 €
Coûts variables 11775 €
Total des coûts 44850,94 €
Rendement net 13219,06 €
% de revenu dédié au miel (revenu miel; revenu total) 65,01 %
coût de production du miel 2,92 €
Rentabilité et rendement selon une étude économique d’une exploitation apicole professionnelle de 500 ruches (miel et pollen).
Revenus 65895 €
Coûts fixes 34357,61 €
Coûts variables 11775 €
Total des coûts 46312,61 €
Rendement net 19582,39 €
% de revenu dédié au miel (revenu miel; revenu total) 29,52 %
coût de production du miel 2,73 €
% de revenu dédié au pollen 39,65 €
Coût de production du pollen 6,68 €
Source : Ministère espagnol de l’Agriculture
Rentabilité et rendement selon une étude économique de trois exploitations apicoles.
Plan National Apicole 2020-2022
Enfin, voici un autre exemple de compte de résultat de trois exploitations hypothétiques de 100, 500 et 1000 ruches, cette fois en tenant compte des amortissements :
Type d’exploitation : | 100 ruches | 500 ruches | 1000 ruches |
Revenus | |||
Vente de mielVentes de pollenVente de cireVente de matérielVente d’essaimvente de ruchesSubventions biodidiversité Subvention plan apicole | 10000 500 | 20000 89882500 | 45000 128405000 |
Total des revenus | 10500 | 31488 | 62840 |
Coûts | |||
Achats de cireAchats d’essaimsApprovisionnements (nour, trait.)Main d’œuvre (1jr =50€)CombustibleTransportEnergies (eau, électricité, gars)AccessoiresAssuranceIntérêt bancairesAmortissement sur l’exercice | 200 1000 100200100150 4427 | 600 5000750300500300300 9915 | 1200 100002000100020005001000 22965 |
Total des coûts | 6227 | 17765 | 41165 |
Résultat | 4273 | 13723 | 21675 |
Note : Les bénéfices se réfèrent aux résultats avant impôts, ce qui signifie qu’il ne faut pas oublier de les soustraire aux coûts.
D’après ces données fictives, ces exploitations seraient rentables, mais de nombreux facteurs peuvent influencer ces résultats.
Selon l’analyse, l’apiculteur de 100 ruches ou moins pourrait obtenir un certain bénéfice, ce qui serait acceptable pour un apiculteur amateur pour qui l’apiculture est principalement un hobby, et le bénéfice un revenu supplémentaire. D’autant plus que la vente directe est plus facile et que le prix par kilo de miel est supérieur.
Dans le cas de l’apiculteur ayant jusqu’à 500 ruches, bien qu’il soit considéré à priori comme un professionnel, disposant d’un effectif supérieur à 150 ruches, il n’est pas nécessairement un professionnel à part entière. Les revenus provenant des ruches, qui complètent souvent le salaire, jouent un certain rôle dans le revenu annuel de la famille.
Dans notre modèle, nous avons attribué une valeur au miel en tant que vente en vrac. Cependant, si l’apiculteur de taille moyenne parvient à vendre une partie ou la totalité de sa récolte en vente directe, les revenus augmenteront considérablement, bien que les coûts augmenteront également quelque peu (achats de pots, étiquetage, etc.).
Apiculteurs professionnels en train d’extraire le miel
La réalité montre que les apiculteurs avec plus de 500 ruches, bien gérées, peuvent soutenir une entreprise familiale d’apiculture rentable. Cependant, de nombreuses incertitudes affectent directement la rentabilité du secteur :
- Le prix du miel et du pollen
- L’efficacité des traitements contre la varroa
- Le prix du sucre (nourrissement)
- La météo
- L’utilisation de pesticides
- La consommation de miel
- La situation économique
- Les droits de douane et politiques commerciales extérieures.
Cela fait que certaines années sont prospères, et d’autres plus déficitaires, comme c’est aussi le cas en agriculture.
CONCLUSION
Comme dans toute entreprise, faire avancer une exploitation apicole demande beaucoup de sueur, de travail, de sacrifices, et aussi des circonstances favorables.
Aujourd’hui, la concurrence est mondiale, et les exploitations communautaires de l’UE voient leur compétitivité réduite en raison de normes de qualité plus strictes et de coûts de production plus élevés que dans d’autres régions.
L’effet de cette conjoncture sur la rentabilité des exploitations dépendra de l’approche commerciale et productive de celles-ci. La perte de compétitivité sera plus grande si la production est destinée à un marché où il n’y a pas un haut degré de différenciation et où l’on concurrence des miels provenant du marché international, où il est nécessaire d’atteindre un grand volume de ventes pour que l’exploitation soit rentable.
En revanche, une production axée sur la qualité, liée à un territoire, une floraison et/ou un style de production spécifique, permettrait en théorie de bénéficier d’un prix plus élevé, car le produit offert possède une exclusivité et une valeur ajoutée qui permettront de rentabiliser l’activité avec un volume de ventes moindre.
C’est selon nous la voie à suivre. Le secteur viticole et celui de l’huile doivent nous servir d’exemples sur la manière de communiquer et de défendre un produit en faveur de la qualité et de ses vertus, en éduquant le consommateur et en unissant le secteur.
ISNI 0000 0005 1801 1100 | Joshua Ivars es gerente de LA TIENDA DEL APICULTOR y autor del blog, donde comparte contenido técnico y práctico para apicultores. Con amplia experiencia en el sector apícola, se dedica a ofrecer consejos y soluciones basadas en las necesidades reales del apicultor, aportando su conocimiento en productos y prácticas esenciales para la apicultura.